J'ai échangé ma vie Ici-Là bas, contre trois

J'ai échangé ma vie Ici-Là bas, contre trois semaines de répit dans ma vieille Grande Ville. Je ne vois plus Chou-Colloc, ni ma jolie Céline, et toutes mes autres. Je n'ai plus le diner à préparer en l'attendant, ni les chatouilles de lui contre moi, ou de moi contre lui. Plus de tickets de métro usagés dans mes poches, plus de marches à descendre lentement alors que tout le monde court. Je n'entends plus la voix des ses collègues demander si "ta femme va bien? ", et je ne peux plus leur tirer la langue en retour.  Il n'y a plus les soirées-privées-speciale-journaliste, où je suis présenté comme la stagiaire. Et où avec la combinaison Blonde+talons+léger décolleté, je parle avec n'importe qui, patron de chaine câblées ou non. Et où ça se termine toujours par le champagne, mes lèvres qui laissent des traces rouges sur les coupes, et nos bêtises. Le fast food du coin nous a vu trop de fois un peu ivre, à commander "trois cheesburguer, non quatre". Et finir le chemin accrochée à son bras, parce que c'est mieux. Ça va me manquer, tout ça.

En échange, j'ai mon stage de trois semaines. Anizée dans quelques cours avec moi. Et tout le reste à manger des yeux. Eux, et leur façon de parler. Les mains qui s'agitent, les visages qui miment. Et les signes, qu'on apprends un peu. Force, savoir, Inde, Asie. On savait déjà dire chocolat, café, je t'aime. Du fouillis jolis, et des signes qui sonnent comme de la poésie. Origine, c'est deux doigts qui tapotent l'intérieur du poignet. Je n'ai pas très bien vu, mais on dirait qu'ils imitent les battements du coeur. On a très vite appris bonjours, et merci. On a très vite appris les sourires de partout, et les yeux. Les yeux qui disent tellement, qui parlent, encore plus que les doigts qui courent. Et encore plein de jours comme ça, pour apprendre. Le vocabulaire, les rires, les phrases avec des voix graves et hachées. Quand je suis là bas, dans l'établissement avec le chateau, et le grand parc, la capitale ne me manque pas.