C'est affreusement mal rangé, ici. Sur l'étagère
C'est affreusement mal rangé, ici. Sur l'étagère en blanc
orangé, une bouteille de gin, un dessin de Mat', un chat japonais et une
branche de fleurs de coton. Des boucles d'oreilles tout autour du futon, celle
avec la rose et celles avec les chats. Des livres partout, des tasses vides de
café et de thé. Celle avec les papillons bariolés, celle avec les chats noirs,
avec marqué CAT dessus, qui vient de Londres pour de vrai, de par la mère de
Lord. Et c'est la même chose pour les verres, qui s'empilent un peu dans tout
les sens, et tout les coins. Encore des chats dessus, ou alors des fraises. Et
des recettes de mojitos aussi. Ceux là, je voulais les montrer à Ben l'autre
soir, mais pas le temps parce que. Flûte tiens. Par dessus ça on rajoute les
vêtements, à pois, à fleurs, à dentelles, à rayures. Mon pull noir préféré, le
tout distendu avec les manches très longues. Oui, même si Lord me fait
remarquer souvent qu'il y a un trou, là, près de l'épaule. Je lui clou souvent
les lèvres d'un baiser. Non mais tais toi t'y connais rien.
Oui, y'a Lord aussi, partout dans mes jours. Même quand je cris très
fort en regardant un match. Des insultes et tout et tout. Ca l'amuse. Il ose
une fois demander moins de bruit, se fait mordre, et me regarde, en faisant son
sourire en coin, là. Il s'amuse aussi à me fixer dans les yeux, parce que
depuis le temps, tu penses, je ne rougis plus. Pour finir par rire quand je
pose mes mains sur mon visage, pour cacher le pourpre de mes joues. Tu m'énerves
tu m'énerves tu m'énerves. Ca, c'était dans le restaurant chinois, dans la
petite-grande rue en pente. Celui où je m'amuse à amener ceux que j'aime, celui
où on a mangé avec Choub'. Et même avec Lord, c'était même le premier
restaurant ensemble. A l'époque, y'avait beaucoup de chose en moins, et mes
doigts ne tenaient pas aussi fermement les siens. Il n'y avait pas lui dans ma
vie, et c'était moins drôle. A l'époque, il ne s'amusait pas à
parler-très-très-vite en anglais aux gens aux sondages, avec collée à son bras
qui fait semblant aussi. On ne faisait pas d'aussi grands projets que
maintenant non plus. Ni des éclats de rire, quand il balance non non non je
ne t'emmene plus en Nouvelle Zélande tu vas vouloir coucher avec McCaw. Et
de lui répondre que de toute façon en vrai, je veux épouser le prince
d'Angleterre, le tout blond mignon. Tout en partant en courant loin, parce
qu'après, le coup de les anglaiiiis couchent avec des moutons, j'avoue,
ce n'était même pas très malin. Surtout quand Lord reste toujours un
ancien halterophile-lutteur. Mauvaise idée oui. Aie.
Je régresse toujours autant. Même stade. Mais j'appelle pas ça régresser.
J'appelle ça ma crise d'adulte. Le droit de dire je fais ce que veux, ce que je
peux. Quand j'en ai envie. Travailler, gagner de l'argent, et laisser glisser
dans des pintes de bière dans un irish pub, avec mes trois grandes. Même quand
un mister anglais veut discuter avec nous, sans notre accord. GO AWAY!
Dans ce pub là, on y retournera même avec Ré-A, pour y regarder les matches
avec pleins de gens qui hurlent autant que nous. Mais sûrement pas la même
chose, parce que le mais arrache lui le maillot bordel!, c'est plutôt
rare. Tout comme deux blondes qui aiment suivre le rugby dans des pubs enfumés.
Tant pis, tant mieux.
Si j'enlève le jour de demain, j'ai ma rentrée-de-grand dans une semaine. De
toute façon, demain ne compte pas, ce n'est pas un dimanche de vacances. En référence
au boulot qui m'attend, et au sûrement gros sourire en prévision. A cause des
supporters irlandais. S'il fait aussi joli qu'aujourd'hui, je ne regretterai
peut être pas trop mon après midi sans Lord. Pas trop. Et puis il y aura
mes amis de stade, ceux qui le font sourire encore des gens? J'ai appris
le prénom que je n'arrivais pas à retenir, en le fixant sur une feuille de présence.
Un L, un A, un N, un D, un R, un O. Retiens petite, retiens. Parce que le
monsieur, il fait des clins d'oeil les plus mignon du monde, et il sourit comme
un enfant tout le temps. Et mes garçons, ça les fait rire aussi, parce que le
nouveau qui me fait sourire, j'ai bien l'impression qu'il embrasse le masculin plutôt.
Comme les autres. Sans aucune surprise, donc. Juste des éclats de rire, encore.