Le travail me mange tout mon temps. Le peu
Le travail me mange tout mon temps. Le peu d'heures qu'il me reste, je m'écroule sur la couette à rayures, ou contre l'épaule de Lord. C'est bientôt fini, parait il, mais j'ai l'impression de faire ça depuis des mois. Mon travail de ASH, de jolie cendre comme je dis. Je suis épuisée de beaucoup de choses, et j'ai du parfois me cacher dans une réserve pour cacher mes larmes dans mes bras. C'est peut être la fatigue, ou les décès qu'on coche sur les feuilles. Les maladies, la solitude, tous les sentiments négatifs qui glissent et s'accrochent sur la peau, creuse en dessous. Il y a des moments pas faciles, des envies de tout balancer. Une infirmière méprisante à qui j'ai finis par dire J'ai une licence merde, et qui a eu l'air surprise. Alors qu'on s'en fout en plus, c'est pas les années supérieures qui veulent dire quelque chose, c'est pas les études qui déterminent la valeur. Du coup, l'habitude prise de se faufiler dans les salles vides, assise par terre sur le lino jaune ou orangé.
A force de me mordre la lèvre et d'y laisser les traces de mes dents, j'ai essayé de prendre le meilleur, pour un peu gommer le pire. J'ai fais des jolis rencontres, comme cet ancien combattant de la guerre d'Algérie, très cultivé, avec qui j'ai pu discuter de la seconde guerre mondiale, du fait que Staline était petit en vrai, de la version bien étrange de la fuite de Louis XVI (je ne crois pas un instant mademoiselle qu'un paysan ai pu le reconnaitre, il devait avoir un complot dans tout ça), de la guerre, de quand il était jeune, quand il est descendu de sa voiture pour se battre avec le chauffeur de derrière et que flute, c'était un commissaire de police. On n'a pas parlé de maladie, dans un hôpital c'était bien trop superflu. C'était bien plus agréable de l'écouter parler de son Espagne natale, de ses petits enfants ou de la différence entre le catalan et le basque. J'ai aussi rencontré un maitre calligraphe, qui m'a écrit mon prénom et celui de Lord sur une carte, les deux majuscules en bleu et vert. Il y avait les petites mamies adorables, même celles avec du brouillard, un peu, dans leurs yeux. Celles qui ne savent plus très bien, mais qui disent ma chérie en souriant. Celles qui tentent l'évasion, et dont il faut courir après "Madame-madame-madaaame". Elles ne se souviendront pas de moi, mais ce n'est pas grave, moi je me souviendrais d'elle. Et de tout les autres que j'ai pu croiser, avec qui j'ai souri, discuté, passé un moment. Pour que les heures ici soient moins douloureuses. Et, a plusieurs reprises, quand ils sont venus me remercier en partant, la valise à la main, entouré de proches, femme, enfants, j'ai su que j'avais eu raison.