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Je crois que je n'avais pas assez développé ma liste des
métiers-qui-font-chier-putain. Je crois qu'au bout du deuxième jour, je peux y
placer, et bien en tête, celui que je fais pour mon mois de septembre. Agent de
service hospitalier. Passer huit heures debout pour laver, désinfecter,
balayer, et plus encore, des chambres qui défilent. Heureusement il y a les
moments des repas, où je peux sourire aux patients. Et prendre même le temps de
discuter avec le vieux monsieur de la chambre 409, qui me raconte ses deux
enfants, ses sept petits enfants et ses huit arrières petits enfants. Du coup
j'ai pris comme refuge la chambre, aux couleurs rose passé. Il me dit que je
suis gracieuse, et je souris un peu plus des mots élégants que j'entends
souvent sur les lèvres des personnes plus âgées. De maladie, on ne parle pas.
Il part demain après midi, alors je préfère ses mots, son pyjama rayé avec son
col bien droit, et ses yeux qui brillent. C'est largement mieux, pour les
souvenirs.
Le reste des heures, je calme tous mes doigts contre ma peau. A force d'être
debout, mon dos me fait souffrir. Beaucoup trop, à cause de cette sciatique que
je n'arrive pas à soigner. Qui prend petit à petit toute la jambe, de plus en
plus loin. J'ai l'impression que ça s'enroule à l'intérieur, que ça s'emmêle.
J'en pleure derrière un coin de mur vert, et sur le chemin du retour, quand je
mets trente cinq minutes au lieu de quinze pour rentrer, parce que je dois
faire des pauses. Je mets la salsa très forte, et tout le reste. Ce qui
m'empêche de crier, contre la douleur physique, contre ces visages à la
clinique, cette grand mère qui meurt, et les diagnostiques que je me dépêche de
ne plus vouloir entendre. Lord me dit qu'il faut que je m'endurcisse, et
je pourrais lui dire d'aller au diable pour ça. Je préfère les larmes qui
dévalent, et l'intérieur en chaos. Je préfère ressentir et avoir mal, ça me
prouve que l'inverse est possible. Même si en ce moment, c'est pas mal gris, je
préfère. Question de principe de fille sensible.
Si c'est gris, c'est à cause du travail, des envies, des doutes. De Partenaire
qui part demain. Demain merde. J'ai encore le souvenir de sa main dans mon dos,
et de la dernière danse qu'on n'a pas faite. Je lui ai promis une bouteille
s'il n'oubliait rien. Mais je n'y crois pas, ce n'est pas lui. Sur msn, je lui
ai rappelé de prendre ses billets, et sa carte d'identité. Depuis qu'il s'est
déconnecté, je n'ai pas osé fermer la fenêtre. Je crois que j'ai mal de son
départ. De celui d'Hélène dimanche dernier, de celui d'Antoine bientôt. Mais
surtout de celui de Partenaire demain. Je ne sais pas ce que ça donnera,
moi sans lui, sans mes mains dans les siennes, et toutes nos danses. Je n'aime
pas tout ce qu'il y a dans ma poitrine, qui s'agite et s'affole. Hey ho un peu
plus de calme. J'ai peur. J'ai mal. Dans le téléphone, j'ai murmuré
"attends" à Chou, avant d'avaler une grande gorgée de rhum
pur, directement à la bouteille. C'était pour anesthésier mon dos, en revenant
de travailler, puisque je n'avais pas de cachet sous la main. Sa voix toute
grave qui sermonnait tu es folle. Ca a un peu soigné la douleur, mais ça
ne soigne pas le cœur. J'essaierai encore. Sa voix, les verres, les mots. Pour
apprivoiser la petite fille qui pleure, pour essayer de lui faire comprendre ils
t'abandonnent pas petite fille, ils t'abandonnent pas.